Edito
« On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise ! » dit souvent cette enseignante d’expérience à des parents inquiets.
Car elle en a des histoires d’anciens du lycée à raconter pour les aider à prendre du recul : ceux qui n’ont pas trouvé leur voie tout de suite et ont étonné positivement leur petit monde familial par la suite ; ceux qui ont foncé, puis bifurqué, fait une pause, rebondi. « Pour faire un homme, mon Dieu que c’est long » chantait Hugues Aufray.
Il n’y a pas de destins écrits d’avance, ni de vie qui se construise comme un projet mathématique maîtrisé de bout en bout. Grave illusion si on le croit et grand risque de stérilité si on s’acharne. Le mystère que nous sommes chacun à nous-mêmes se dévoile surtout lorsque nous nous découvrons attendus par un Autre, autre que nos parents et amis. Silencieux et caché bien souvent, son appel intérieur forme le fil invisible de nos oui successifs… et de quelques grands non aussi ! Tous reliés, ils font la cohérence et la fidélité d’une vie.
Avec leurs tempéraments uniques, nos papes récents le répètent : toute vie est un don mystérieux en même temps qu’un appel à devenir une vie pour, une vie à son tour donnée, une pro-existence. Chacune se tisse de réponses éminemment personnelles aux évènements, aux rencontres, à l’inattendu. Il ne s’agit pas d’attendre avec une naïveté nonchalante ni de flotter au vent comme une feuille dévitalisée. Être éveillé, à l’écoute, attentif à tous les signaux sur le chemin, c’est un travail, un apprentissage, comme celui de la navigation à voile. La volonté répond, s’engage, se fortifie, la liberté véritable s’approfondit.
Et parfois, on se voit répondre présent là où on n’avait jamais imaginé aller au départ. On découvre alors que notre vie se déploie surtout à mesure que l’on sort de soi et de ses projets imaginaires pour avancer concrètement vers le large des autres.
Alexandra Yannicopoulos-Boulet,
laïque mariste