« Partir » n°27

Edito

Pour les uns, partir, c’est d’abord quitter ce que l’on tient (et qui, si l’on croit la sagesse populaire « vaut deux tu l’auras »), que l’on a reçu ou construit, qui s’appuie sur une réalité connue et rassurante que l’on craint de perdre. Partir peut être aussi parfois une obligation, pour fuir une situation insupportable et imposée, ou un échec personnel grave. Il faut alors renoncer à son passé, à son histoire, à des liens précieux, pour n’en garder que des souvenirs douloureux. Partir peut s’accompagner de regrets, et même d’angoisse devant le futur inconnu.

D’autres au contraire sont impatients de faire « du passé table rase », refusent un présent qu’ils n’ont vraiment ni choisi ni construit, et sont animés d’un élan, d’un espoir, d’une confiance dans les « possibles » que leur offre un ailleurs parfois imaginaire, mais qui nourrit chez eux un rêve merveilleux. Partir pour eux, c’est s’ouvrir, pour accueillir le monde dans sa richesse et sa diversité, c’est trouver en soi des ressources jusque-là inconnues, choisir des engagements hors des sentiers battus, accepter le risque, se mesurer aux obstacles et même à l’échec. Partir pour se sentir libre, loin des traditions, des habitudes, des plans d’avenir tout-faits.

Mais on ne construit pas sur le vide, les fondations sont nécessaires pour que le bâtiment résiste. Partir bien sûr, pour faire comme Ulysse un « beau voyage » et revenir « plein d’usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge ».

Marie-Claire Rougnon

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