Edito
Nous naviguons désormais dans un océan d’informations où le vrai et le faux se côtoient avec une perfection troublante. Dans le chaos des vérités, où trouver l’ancrage ? Monde bouleversé, monde renversé : l’expertise elle-même en devient suspecte, perçue tantôt comme barrière indispensable, tantôt comme instrument de domination.
Les réseaux sociaux ont simultanément libéré la parole des sans-voix et engendré une discordance anxiogène. En plein paradoxe, ces plateformes permettent à un lanceur d’alerte de faire trembler les puissants, tout en donnant crédit aux théories les plus déraisonnables.
Et qu’en est-il de l’État de droit ? Notre démocratie montre des signes de faiblesse alarmants dans le grand renversement des pouvoirs. Le quatrième pouvoir vacille sous les coups des algorithmes et des intérêts particuliers. Dans ce contexte, la question n’est plus seulement « qui nous gouverne ? »
mais « qui croire ? ».
Dans notre quotidien, l’irruption de l’IA constitue sans doute le bouleversement le plus radical. Le cerveau humain est désormais confronté à sa version numérique : un miroir de notre propre intelligence, capable de produire de la connaissance, de l’art, et même une forme de perception et de raisonnement.
Dans « ces temps mauvais », l’exemple de ceux qui ont oeuvré dans l’ombre – comme la Société de Marie en des temps persécutés – nous montre la voie. Dans ce paysage chaotique, la mission de l’Église est de nous rappeler les questions essentielles, sans prétendre pour autant détenir toutes les réponses, mais en incarnant cette vérité faite de charité et d’espérance.
Dans ce monde de rapports de force, d’écrans et de miroirs déformants, serions-nous condamnés à un exercice d’équilibre permanent ? En acceptant la complexité sans relativisme, en cultivant le discernement sans méfiance, en adoptant le progrès sans aliénation. Peut-être est-ce précisément dans cette tension féconde que réside notre salut.
MARTINE BALDINO PUTZKA, laïque mariste